Comme Fernand Pouillon avant eux, Heidi Leigh et Nicholas Leone ont été envoûtés par la forteresse perchée au-dessus de l’Aveyron. Et comme aux temps de l’architecte, le couple de galeristes new-yorkais permet au château d’exercer sa magie sur la saison estivale de Belcastel.
Lorsqu’il découvrit la ruine en 1973, Fernand Pouillon sut instantanément que ce château allait devenir sa dernière résidence. Le monument devint immédiatement la seule obsession de l’architecte, qui consacra les treize dernières années de sa vie à sa restauration, jusqu’à sa mort en 1986. Premier enchantement. Dans sa lente résurrection, le château entraîna aussi la transfiguration de tout le village de Belcastel, devenu aujourd’hui l’un des incontestables Plus beaux villages de France. Deuxième enchantement.
La magie opéra avec la même brutalité sur Nicholas Leone, en 2005, lorsqu’il découvrit des vues extérieures du monument sur internet. Le collectionneur d’art et galeriste de Soho, à New-York, rêvait d’avoir un château. C’est à la vue de clichés des aménagements intérieurs, et en particulier d’une exposition de photographies installée dans l’ancienne prison de la forteresse, que surgit l’évidence : ce château était fait pour lui. « Ce n’est pas nous qui avons trouvé le château, c’est le château qui nous a trouvés », assure Nicholas Leone. « Cela n’avait pas de sens, mais nous l’avons acheté immédiatement, en quelques jours », confirme Heidi Leigh. Nicholas rigole : « Ce château rend fous les gens qui s’en approchent. » Troisième enchantement.
L’art et la foule
Collectionneurs et propriétaires de galeries à New-York, Las Vegas et New Orleans, Heidi et Nicholas ont naturellement ouvert le château au public en même temps qu’il y ont fait entrer l’art. Coïncidence ou nouvel enchantement ? Les galeristes travaillent essentiellement avec des artistes inspirés par le fantastique, la fantasmagorie : Joe Sorren, Tim Burton, Kirk Reinert, Nicoletta Ceccoli… Les deux artistes présents cette année au château de Belcastel confirment cette atmosphère fantastique : les peintures d’Anne Bachelier et les sculptures de Pierre Matter.
Heidi Leigh et Nicholas Leone souhaitaient faire du château un lieu vivant, plein d’énergie. « Tous les ans, au mois de mars, c’est comme si nous venions réveiller le château… Allez, debout ! Assez dormi ! » Avec ses visites ouvertes au public de mars à novembre, avec son impressionnante collection d’armures originales, avec ses expositions d’art renouvelées chaque année et avec son concert décentralisé des Rencontres Musicales de Figeac, le château a donné une nouvelle dimension à la saison estivale de Belcastel. Avec 21 000 visiteurs par saison, c’est désormais l’un des monuments les plus fréquentés parmi les sites touristiques de l’Aveyron. Quatrième enchantement.
Outre la fréquentation estivale qu’il génère, le château de Belcastel est aussi un vecteur d’échanges culturels. « C’est pour nous une nouvelle entrée en Europe, explique Heidi Leigh. Cela permet de donner plus de visibilité à nos artistes et, en contrepartie, nous pouvons soutenir aux Etats-Unis des artistes européens. » Même si la majorité des collectionneurs d’art sont aux Etats-Unis, et en particulier à New-York, Belcastel, à sa très modeste mesure, devient petit à petit une place active du marché de l’art. Ce week-end, à l’occasion du vernissage des expositions d’Anne Bachelier et de Pierre Matter, quelques collectionneurs et acheteurs vont faire le déplacement en Aveyron. Encore l’un des enchantements du château de Belcastel. Probablement pas le dernier.