La coopérative fromagère de Laguiole va de succès commerciaux en développements, ce qui lui permet non seulement d’être un outil économique mais également un acteur politique sur le territoire du Nord-Aveyron.

Ça aurait pu ressembler à un sacrifice inutile ; ça s’est révélé une stratégie de génie. Quand les administrateurs de la coopérative fromagère Jeune Montagne ont décidé d’offrir la tome fraîche à tous les comités des fêtes et autres structures volontaires pour organiser des aligots géants, savaient-ils réellement ce qu’ils faisaient ? C’était une époque où les ventes de tome fraîche s’érodaient un peu plus chaque mois. Grâce à cela, tout le monde a découvert ce plat jusqu’alors exclusif de l’Aubrac et Jeune Montagne a trouvé un second souffle. Aujourd’hui, tout le département est accro à l’aligot. Pas un banquet amical, pas une fête de village, pas un congrès, pas un marché de pays sans aligot. Même le reste de la France n’est pas loin de se convertir aux plaisirs gustatifs de l’aligot. Avec le retour des beaux jours et des fêtes qui les accompagnent, l’aligot va de nouveau filer en abondance.

Six millions d’investissement

Pour faire face à l’augmentation constante de la demande, la coopérative a dû investir récemment six millions d’euros dans la construction de 3 500 m2 de nouveaux bâtiment sur la zone d’activité de la Poujade à Laguiole. Ce nouvel outil était devenu nécessaire pour préparer les commandes de plus en plus nombreuses et garantir les expéditions de plus en plus lointaines.

Jeune Montagne produit aujourd’hui le fromage de Laguiole, son marché historique, l’aligot frais ou surgelé, son produit phare, et la tome fraîche de Laguiole. La coopérative emploie une centaine de salariés et fait vivre 75 producteurs tous situés sur l’Aubrac (ce qui représente 120 à 130 actifs) auprès desquels sont collectés 14 millions de litres de lait, le tout produisant un chiffre d’affaires annuel de 19 M€.

Au-delà de son métier de collecteur et transformateur de lait, Jeune Montagne est aussi un acteur économique au service d’un territoire. Conformément à l’esprit des pionniers des années soixante, au premier rang desquels figure André Valadier, c’est une véritable filière territoriale dont la vocation est de maintenir des productions sur l’Aubrac. La tentation de la viande, poussée par les succès du bœuf d’Aubrac, pourrait mettre à mal la production laitière du plateau. « Il faut faire des efforts colossaux pour maintenir et rajeunir la population des producteurs de lait sur le territoire », insiste Bernard Robert, directeur de la coopérative. Jeune Montagne y parvient grâce à une politique originale et volontariste. En premier lieu, le prix payé aux producteurs est volontairement maintenu à un niveau élevé. Ensuite, la coopérative a créé un groupement de remplacement avec cinq salariés, chargés de suppléer les producteurs en cas de maladie, de problème familial ou pour partir en vacances. Enfin, la coopérative a mis en place un système d’aide financière à la reprise d’exploitations. Un financement qui peut s’élever jusqu’à 20 000 euros et qui vient s’ajouter aux aides traditionnelles à l’installation.

L’âme de l’entreprise

« Les producteurs sont l’âme de cette entreprise, assure Bernard Robert. Ils sont le socle d’image de la coopérative et les garants du respect du cahier des charges du fromage de Laguiole, d’une agriculture durable et d’une agriculture équitable. Ici, ces valeurs ne sont pas que des concepts ; ce sont des réalités. »

S’appuyant sur ce socle, la fromagerie, elle, s’applique à valoriser le fromage en améliorant sa qualité, son affinage, son conditionnement. Les résultats sont aujourd’hui tangibles. Les volumes d’aligot frais comme surgelé ont considérablement augmentés au cours des dix dernières années.

Au-delà de son activité propre, Jeune Montagne se positionne également comme un partenaire très actif auprès d’autres opérateurs laitiers de l’Aubrac. Elle apporte son soutien à la coopérative fromagère de Thérondels, qui compte 17 adhérents, emploie 6 salariés et produit du cantal AOC. Jeune Montagne a également racheté, voilà deux ans, la fromagerie de l’Ecir où d’importants investissements sont en cours pour en doubler les capacités. Enfin, Jeune Montagne est de toutes les fêtes de village, à travers sa filiale Aubrac Aligot, qui prépare des aligots géants pour des centaines de convives.