Depuis un peu plus d’un an, tous les acteurs de la filière sont engagés dans un programme de recherche et développement visant à améliorer la qualité des peaux de brebis lacaune, afin qu’elle puissent être utilisées par la ganterie et la maroquinerie de luxe. Un projet à très fort enjeu.
Un million de brebis de race lacaune paissent là, dans la moitié Sud de l’Aveyron, pour produire le lait du fromage de Roquefort. Ça en fait des hectolitres de lait ! Ça en fait, aussi, des peaux à tanner et à transformer en cuir ! Malheureusement, les méthodes d’élevage, d’engraissement et d’abattage de ces brebis ont pour effet d’endommager les peaux des animaux et de faire apparaître des trous microscopiques après le tannage. Alors que la peau de la lacaune est considérée comme l’une des meilleures pour ses qualités intrinsèques, ces défauts la rendent impropre à la maroquinerie et à la ganterie de luxe. Les grandes marques marques françaises du luxe, que le monde entier s’arrache, doivent donc s’approvisionner en Espagne en peaux de brebis de race entrefino.
Pour y remédier, les professionnels de la filière, depuis les éleveurs jusqu’aux tanneurs, en passant par les négociants et les abatteurs, se sont regroupés au sein du programme de recherche et de développement baptisé Peau’Lux. Porté par OVI Plateau Central, filiale de RAGT, et inscrit dans le cadre du Pôle de compétitivité Agri Sud Ouest Innovation, ce programme est estimé à 4,8 M€ et a reçu une aide de 1,8 M€ du Fonds Unique Interministériel de recherche. Depuis un an, les professionnels, associés à des laboratoires, des écoles et des plateformes de recherche, travaillent à de nouvelles méthodes d’élevage et d’abattage qui, tout en restant conformes au cahier des charges du roquefort, vont améliorer la qualité des peaux de lacaune. La mégisserie Richard de Millau est impliquée dans le projet, avec pour mission de valider, en fin de processus, les essais qui sont fait en amont du tannage. « La brebis de Lacaune est pour nous la peau parfaite, explique Xavier Richard. Au-delà de leurs qualités en terme de substance et de finesse, les peaux sont toutes standardisées à la même taille, ce qui facilite notre travail. Si nous parvenons à trouver le mode opératoire pour éliminer les défauts, nous pourrons alors fournir LA peau idéale à l’industrie du luxe. »
Et les enjeux ne sont pas minces. Pour les professionnels de la filière, cela permettrait de vendre les peaux deux fois plus cher qu’aujourd’hui. Cela représente plusieurs millions d’euros de plus value. Par ailleurs l’immense troupeau des lacaune permettrait de sécuriser l’approvisionnement de l’industrie du luxe en peaux de très haute qualité. Ce marché est en très forte tension depuis plusieurs années, le luxe à la française étant toujours plus sollicité de par le monde. Les grandes marques internationales ne cessent de rechercher de nouveaux fournisseurs, à tel point que certaines, pour s’assurer la pérennité des meilleures conditions de fourniture, acquièrent des mégisseries et tanneries. C’est le cas de Chanel qui, après avoir racheté la ganterie Causse en 2012, a pris la majorité du capital de la mégisserie Richard, au cours de l’été 2016.