La réforme territoriale en cours redistribue les compétences entre les différentes strates territoriales du pays. Elle réserve, en particulier, la compétence économique aux Régions et aux communautés de communes. En principe, les Départements ne pourront plus soutenir directement l’économie locale et les entreprises… Entretien avec Jean-Claude Luche, qui vient d’être ré-élu à la présidence du Conseil Départemental, nouveau nom du Conseil Général.
La loi sur la réforme territoriale va revenir devant l’Assemblée nationale en mai prochain. Savez-vous ce qui va advenir des possibilités des Départements en matière d’interventions économiques ?
Nous en saurons plus au mois de juin, mais nous savons déjà que la clause générale de compétence ne s’appliquera plus aux Départements. Or, c’est à travers cette clause qu’ils exerçaient certaines actions d’aide directe aux entreprises. Désormais les Départements ne pourront agir que dans le cadre de conventions avec les Régions.
Que le rôle de chaque collectivité soit mieux défini est une bonne chose, non ?
Je suis favorable à la suppression de la clause générale de compétence pour que les citoyens sachent mieux qui fait quoi. Et puis, en matière d’action économique, le Département était déjà de moins en moins présent en raison de la réduction très conséquente de ses moyens financiers. Les 750 000 € à Forest Liné ou les 500 000 € à LISI Aérospace, ce n’est plus et ne sera plus possible. La Région saura faire ça, d’autant que ce sont des entreprises qui participent de filières très transversales. Mais ce qui nous est proposé, je ne le sens pas. Je suis inquiet pour le petit commerce de proximité, présence essentielle à la vie dans des territoires ruraux comme le nôtre. Nous soutenions ces activités-là ; qu’allons-nous pouvoir faire désormais ? Et l’agriculture ? Jusqu’à présent, nous apportions notre aide la Chambre d’agriculture. Que pourrons-nous faire à l’avenir ? Comment le Conseil départemental pourra-t-il soutenir le laboratoire départemental d’analyses, qui est un outil précieux pour l’agriculture ? Pourrons-nous rester au capital des abattoirs de Millau et de Saint-Affrique ? Je ne le sais pas. Je regrette aussi que la compétence tourisme ne reste pas exclusivement aux Départements. Une structure nationale pour vendre la France à l’étranger et des structures départementales pour faire la promotion des territoires. Les CDT sont présents partout et font déjà un très bon travail. Que va-t-il se passer avec la grande région ? On va conserver le Comité régional du tourisme de Midi-Pyrénées et on va probablement en créer un autre pour le Languedoc-Roussillon qui est actuellement dépourvu de ce genre de structure. On va donc générer de nouvelles dépenses au lieu de faire les économies que l’on nous demande.
Le Département va aussi devoir abandonner certains de ses outils. Que va-t-il advenir de l’agence de développement Aveyron Expansion, par exemple ?
Je ne sais pas. Nous n’y avons pas encore réfléchi faute d’information. Dans certains départements, les agences de développement ont été rapprochées des CDT…
Et les zones d’activités départementales ?
Il est probable que nous devrons transférer les parcs de Séverac et de La Cavalerie aux communautés de communes.
Finies les aides directes, mais la collectivité pourra toujours agir indirectement…
Oui, à travers l’investissement. Je suis favorable à la relance de l’économie par l’investissement. Notre budget prévoit 64M€ de travaux sur le patrimoine départemental, routier et immobilier. C’est autant d’argent pour les entreprises et, en particulier, les entreprises locales. Depuis 2008, nous avons ainsi injecté 550 M€ dans l’économie locale, sous la forme de programmes d’investissement ou d’aide à l’investissement des collectivités. Les grands chantiers actuels sont la déviation d’Espalion (20 M€) et le barreau de Saint-Mayme (25 M€). L’Aveyron est un des départements français qui investit le plus par tête d’habitant. Mais il faut bien mesurer que nos marges de manœuvre se réduisent. Notre épargne brute, c’est-à-dire notre capacité à investir, se réduit chaque année un peu plus.
Dans le soutien indirect à l’économie, il y a aussi l’attractivité du territoire…
Oui, et je garde comme objectif 300 000 habitants d’ici une quinzaine d’années. Pour cela nous travaillons sur les axes structurants, tels que la RN88 ou l’aéroport. Nous sommes aussi engagés dans le déploiement du très haut débit, avec un schéma départemental qui prévoit une première tranche de 141 M€.